Les Guenneugues rêvaient d'ailleurs: ce sera Montréal, où ils vivent depuis deux ans.Christine et Philippe Guenneugues, 34 ans chacun, avaient un rêve - aller vivre ailleurs - et toutes les raisons du monde de ne pas le réaliser : deux CDI, une maison, un bébé. Pourtant, elle, organisatrice de centres de vacances, et lui, ingénieur en informatiąue chez Orange, ont donné leur démission, vendu leur pavillon dans les Yvelines et largué les amarres.
En avril 2011, ils ont débarqué au Canada, avec leur filie, Lison. "Nous avions besoin d'un nouveau défi, raconte Christine. Peur, aussi, d'être bloąues dans la même existence jusqu'a l'âge de la retraite." En trois mois, l'un et l'autre ont trouve un emploi. Philippe, chez un opérateur de télécommunications, Christine, dans un organisme qui aide les entreprises à améliorer leurs performances. Loin, très loin, de ce qu'ils appellent la "morosité française".
Ils sont partis, ils partent, ils partiront... Chaque année, des Franęais de tous âges, de tous horizons, mettent les voiles. Ni sportifs, ni artistes ou héritiers en quête d'une fiscalité plus clémente. Ni chercheurs, ni créateurs d'entreprise ou jeunes superdiplômés. Ils ont juste envie d'une autre vie...
Nicolas Breham, 37 ans, et sa femme, Stéphanie, 38 ans, voulaient "découvrir le monde, s'ouvrir à d'autres cultures et acquérir un bon niveau d'anglais". Voilà six ans, ils ont quitté les Yvelines et leurs employeurs respectifs (une filiale d'EDF et Caritas International) avec leurs deux petites filles. Après avoir bourlingué six mois en Asie, ils se sont posés à en Australie. "On souhaitait vivre sous un climat agréable, dans un pays anglophone ou il serait possible de trouver du travail sans trop de difficulté", explique Nicolas, ingénieur en génie électronique. Trois mois plus tard, il a décroché un poste dans l'entreprise qui gère le reseau d'électricité de la ville. Stéphanie, elle, a été recrutée par une association d'intégration par le bénévolat. "Ici, on est jugé sur ce que l'on fait et sur ce que l'on est, pas sur le milieu d'où l'on vient", apprécie Nicolas.
"Notre quotidien est beaucoup moins stressant", se réjouit 0livier. Leurs meilleurs amis, Emmanuel et Marina Grenier, 41 ans chacun, les ont rejoints avec leurs deux fils, l'été dernier. "Notre pouvoir d'achat en baisse, le climat économique incertain, le rejet du système scolaire par nos enfants et nos inquiétudes pour leur avenir professionnel ont motivé notre décision", souligne Marina. Ensemble, les quatre amis espèrent ouvrir un magasin de jouets.
Nacira Ferdjoukh serait bien restée en France, elle, après son mastère de psychologie du travail. Mais "mon profil n'intéressait pas les entreprises, déplore-t-elle. C'est un cabinet de reerutement anglais qui m'a donné ma chance, il y a huit ans". Après six années passées à Londres, la jeune femme est aujourd'hui responsable des ressources humaines de la société financière Citigroup, à Bahrein. Et après ? "J'irai peut-être a Dubai, à moins que je ne rentre à Londres, avance Nacira, 35 ans. Je n'ai aucune envie, en tout cas, de revenir en France. II y a trop de discrimination et d'islamophobie. Trop de déprime, aussi."
Cinq ans après avoir pose le pied en Irlande, la Montpelliéraine Alexandra Grandclerc, 26 ans, n'envisage pas, elle non plus, de rentrer. Arrivée à Dublin comme jeune filie au pair pour apprendre 1'anglais, BEP sanitaire et social en poche, elle s'y sent désormais chez elle. "En Irlande, on vous donne votre chance, même si vous n'avez pas de diplôme", pointę la jeune femme, agent de support technique chez Dun & Bradstreet, spécialiste de l'information financière.
Beaucoup de jeunes Français, habitués aux programmes d'échange européens, sont saisis par la bougeotte. Chaque année, ils se ruent plus nombreux sur les PVT, ces permis vacances-travail qui autorisent aux 18-30 ans à partir à la découverte d'un pays lointain pendant un an. Et plus, si affinités. A Séoul depuis l'été dernier, Maxime Favreau, 30 ans, a déjà pris sa décision : il rentrera chez lui, en Bourgogne, début mai... pour préparer son installation définitive en Corée du Sud. A 29 ans, Delphine Barbier est une multirécidiviste du PVT. Elle a enchaîné Canada, Australie et Nouvelle- Zélande, avant de revenir en Australie et d’y rester. "Vue d'ici, la vie en France me paraît de plus en plus difficile, confie-t-elle. Et le régime métro-boulot-dodo, que j'ai voulu fuir, me fait toujours aussi peur!"